Exposition de la faune sauvage aux polluants environnementaux: quel risque pour les consommateurs?
Retours sur les résultats du projet Phytofaune, financé dans le cadre de l'appel à projets ZARG en 2021.
Le projet Phytofaune a permis d’étudier l’exposition de chevreuils aux éléments traces métalliques (ETM) et pesticides. Une collaboration avec les fédérations de chasse des Ardennes et de la Marne a permis d’obtenir des échantillons de foie et de muscle sur des chevreuils prélevés en forêt (sur le territoire de la Zone Atelier Argonne) ou en plaine agricole (plaine de Champagne) lors d’une saison de chasse d’automne. Ce projet visait d’une part à comparer l’exposition du chevreuil entre deux types d’habitat pour voir si la contamination de l’animal pouvait renseigner sur l’état de contamination de son milieu ; d’autre part à fournir des informations sur le risque sanitaire pour les consommateurs de chevreuils.
Les concentrations de contaminants dans la viande de gibier sauvage ne sont pas réglementées, cependant, les limites maximales établies pour d’autres animaux peuvent être considérées comme des seuils d’alerte pour le gibier. Ainsi, les limites maximales de plomb, cadmium et cuivre pour les animaux d’élevage (dont les bovins, ovins), ainsi que les limites maximales de résidus de pesticides pour les vertébrés terrestres sauvages, ont été utilisées comme valeurs de référence. Pour le plomb, les concentrations dans le foie étaient supérieures pour les chevreuils de plaine par rapport à ceux de forêt (0,26 vs 0,23 mg/kg poids frais) et supérieures à la limite de 0,20 mg/kg pour les deux types d’habitats. Pour le cadmium, des concentrations très variables ont été obtenues dans les foies des chevreuils de forêt, la moyenne de 0,58 mg/kg poids frais dépassait ainsi la limite de 0,50 mg/kg, contrairement aux concentrations dans les foies des chevreuils de plaine d’en moyenne 0,10 mg/kg. Pour les concentrations de cuivre, la moyenne de 24 mg/kg poids frais (pour les chevreuils de forêt et de plaine) était inférieure à la limite de 30 mg/kg. Concernant les pesticides, 19 substances ont été détectées (7 fongicides, 6 insecticides, 4 herbicides, 1 répulsif oiseau/insecticide, 1 agent de formulation) dans le foie, le muscle ou les deux tissus, pour des chevreuils prélevés en forêt, en plaine ou dans les deux types d’habitat. Pour chaque substance, les concentrations (1 à 8 µg/kg poids frais) étaient toujours inférieures à la limite maximale de résidus. Pour les produits de dégradation, les concentrations dans les tissus des chevreuils ont été comparées à la limite maximale pour la somme des résidus de la substance mère, ce qui peut sous-estimer l'exposition. De plus, plusieurs substances ont parfois été détectées chez le même individu, ce qui montre que les chevreuils peuvent être exposés à des mélanges de contaminants dont la toxicité reste méconnue (« effet cocktail »).
En se basant sur des scénarios établis par l’Anses concernant la quantité de viande de gibier consommée par jour par personne (homme, femme ou enfant) selon différents niveaux de consommation (faible, occasionnelle, fréquente), des simulations ont été effectuées pour évaluer le taux d’ingestion journalier de chaque contaminant. Ces taux ont été comparés à deux valeurs toxicologiques de référence (VTR) permettant de couvrir le risque d’exposition aiguë ou chronique pour chaque contaminant. Le taux d’ingestion estimé était toujours inférieur à la VTR pour chaque pesticide, le cuivre et le plomb (bien que pour le plomb les concentrations étaient supérieures à la limite maximale). Pour le cadmium, le taux d’ingestion était inférieur à la VTR pour les scénarios de faible consommation et de consommation occasionnelle pour les adultes, cependant, les scénarios de consommation occasionnelle pour les enfants, et de consommation fréquente ont donné des taux d’ingestion supérieurs à la VTR. Ce résultat est lié à la forte variabilité des concentrations en cadmium chez les chevreuils de forêt avec plusieurs valeurs élevées.
Ce projet a mis en évidence des différences de contamination, pour certains ETM et pesticides, entre des chevreuils issus de forêt ou de plaine agricole. Le risque sanitaire associé à la consommation de viande de chevreuil est ici globalement faible, mais avec des réserves concernant le plomb et le cadmium. Ce travail reste à approfondir avec un plus grand nombre d’individus tout en suivant leurs déplacements pour connaître plus précisément les zones fréquentées et le lien entre la contamination de l’animal et celle de son environnement. Également, une étude quantitative sur les habitudes de consommation de viande gibier de différentes populations, notamment sensibles (femmes enceintes, enfants) permettrait d’affiner les scénarios d’exposition.
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