Le massif forestier de l’Argonne est situé à l’interface entre la plaine crayeuse champenoise, à vocation agricole, et les régions plus boisées de la Meuse. C’est également l’arc forestier majeur entre les massifs forestiers de la Champagne humide et celui de l’Ardenne.

Dans le cadre du programme EFACILT, Lucie Dispan de Floran a réalisé sa thèse de doctorat sur l’impact de deux infrastructures linéaires de transport, l’autoroute A34, et le canal des Ardennes, sur les déplacements et la structuration génétique des populations de trois espèces de grands mammifères : le cerf, le chevreuil et le sanglier. Les résultats du volet génétique de son étude ont été rapportés dans un article scientifique intitulé «Variability in the impact of linear transportation infrastructures on gene flow in French wild ungulate populations», et publié cette année dans le journal scientifique à comité de lecture Landscape Ecology.

Pour ce travail, 98 échantillons de cerfs, 120 de sangliers et 140 de chevreuils provenant de trois sites situés de part et d'autre des deux infrastructures linéaires de transport (ILT) étudiées ont été prélevés par la Fédération Départementale des Chasseurs des Ardennes sur des animaux tués à la chasse. Le profil génétique de chaque individu a ensuite été déterminé à l’aide de marqueurs génétiques spécifiques à chaque espèce.

Tout d’abord, les analyses n’ont révélé aucun effet du canal des Ardennes sur la structuration de la variabilité génétique des trois espèces. Mais les résultats sont différents pour l’autoroute dont l’impact varie selon les espèces. En effet, une différenciation génétique a été observée entre les populations de cerfs et de sangliers situées de part et d'autre de l'autoroute, suggérant que cette infrastructure agit comme une barrière au flux génétique pour ces espèces. En revanche, aucune différenciation génétique n'a été détectée chez le chevreuil, indiquant que l'autoroute n'affecte pas le flux génétique de cette espèce.

L’autoroute A34 ne dispose pas de structure de franchissement dédiée à la faune sauvage, appelée passages à faune ou écoponts. Cependant, les résultats montrent que les chevreuils parviennent à traverser l’autoroute en utilisant les structures existantes telles que les ponts sur ou sous l’autoroute, qui restent cependant imperméables aux sangliers et aux cerfs. Pour faciliter les déplacements des animaux et ainsi améliorer les échanges génétiques de part et d’autre de l'autoroute, il apparaît nécessaire d’adapter ces structures de franchissement aux besoins des espèces.

Par ailleurs, ces résultats ont permis de porter aux autorités compétentes l’intérêt de la mise en place d’un écopont au-dessus de l’autoroute. La localisation s’appuierait alors sur des données réelles de suivis des grands mammifères en tenant compte des contraintes liées à la construction d’un pont.

Vous pouvez consulter l’article à cette adresse : https://doi.org/10.1007/s10980-025-02052-w (publication en accès libre). La thèse de Lucie qui comprend également des suivis photographiques des structures de franchissement de l’autoroute, et des suivis GPS de grands mammifères sera bientôt disponible après sa soutenance, prévue cette année. Souhaitons-lui bonne chance !

Référence complète: Dispan de Floran, L., Mergey, M., Galan, M., Vitte, I., Jouanillou, A., Le Barh, M., Guinard, E., Lesbarrères, D., & Helder, R. (2025). Variability in the impact of linear transportation infrastructures on gene flow in French wild ungulate populations. Landscape Ecology, 40(2), 31. https://doi.org/10.1007/s10980-025-02052-w

Contacts:

• Lucie Dispan de Floran, CERFE, URCA
• Rémi Helder, CERFE, URCA

Crédit Photos:

Image n°1: La figure montre les résultats chez le cerf. La couleur de chaque point caractérise le profil génétique de l'individu signalé. La variabilité génétique est structurée de part et d’autre de l’autoroute, alors que le canal en bleu n’a pas d’influence (tiré de DIspan de Floran et al., 2025).

Image n°2: Grillage de protection des voies rapides. Ce grillage permet aux usagers de circuler à grande vitesse en empêchant les grands mammifères de pénétrer sur les voies (Crédit CERFE).