L’Argonne, une zone atelier pour évaluer l’impact environnemental des conflits (Grande Guerre)
L’Argonne est traversée d’est en ouest par la ligne de front de la Grande Guerre. Ses spécificités géographiques (relief de crêtes sculptées dans la gaize et de ravins creusés dans l’argile, marche forestière) nécessitent une adaptation des armes et du combat qui se manifeste par une organisation spatiale particulière des réseaux de défense (tranchées, boyaux) et fondamentalement opposée entre les belligérants. Cette organisation est mise en évidence par l’analyse spatiale, sous Système d’Information Géographique (SIG), des Plans directeurs au 1/20 000 des Groupes de Canevas de Tirs des Armées de 1918.
Alors que les réseaux alliés s’organisent en profondeur sur plus de 10 km avec 5 positions ou rideaux de 2-4 lignes de tranchées chacune, les allemands opposent une seule position hypertrophiée de 2 km d’épaisseur comportant jusqu’à 14 lignes de tranchées.
Devant un tel dispositif (1232 km sur moins de 16 km de front, densité linéaire de 78 km/km) réparti dans ce contexte boisé et rugueux qui complique l’observation des lignes ennemies et l’efficacité des tirs d’artillerie, la manœuvre militaire s’avère difficile ce qui explique le recours à la guerre d’usure et au « grignotage ». Cela se manifeste outrageusement en Argonne par la guerre des mines et l’enterrement (abris, tunnels), ainsi que par l’utilisation de l’obusier et de la mitrailleuse, qui tous marquent morphologiquement le paysage.
Le traitement des images Lidar acquises en 2014 (coll. DRAC) sur un fuseau expérimental de 1,2 km de large, montre que l’Argonne est un véritable conservatoire de ces morphologies de guerres ou polémoformes avec un taux de conservation des tracés des réseaux de défense de 59% (Taborelli P., 2018). Ces tracés incluent de nombreux cratères de mines, des entonnoirs d’obus, des sites d’artillerie, des abris et cantonnements en profondeur. Le projet de recherche (SOLIMP) conduits sur le territoire de la ZARG par le GEGENAA permettra d’évaluer les autres impacts environnementaux du conflit (bombturbation, contaminations des sols, désordres géotechniques).
Contact :
Alain DEVOS, Université de Reims Champagne-Ardenne, GEGENAA
Photos : légendes et crédits
-> Entonnoirs d’obus en eau (secteur du Bois d’Apremont) (Crédits: A. Devos)
-> Carte des réseaux de défense argonnais de la Grande Guerre en 1918 (source: Taborelli Pierre, 2018)