Le silence des Sonneurs
La population de Sonneur à ventre jaune de la forêt de La Croix-Aux-Bois s’effondre. Le CERFE* et ses partenaires se mobilisent pour la sauver en restaurant un habitat favorable et en étudiant la possibilité de réintroduire de nouveaux individus.
L’objectif: parvenir à une cohabitation durable entre les activités humaines et ce petit amphibien rare.
Le Sonneur à ventre jaune Bombina variegata, au nom évocateur, est un amphibien discret de nos contrées. Des suivis scientifiques rigoureux ont toutefois montré qu’il est en régression sur l’ensemble de son aire de répartition originelle.
Depuis le début des années 2000, la population située dans le massif forestier de la Croix-aux-Bois, la dernière connue des Ardennes, fait l’objet d’un suivi régulier par le CERFE. Alors qu’en 2008 on estimait cette population à environ 300 individus, elle n’en compterait plus qu’une vingtaine en 2020 et 2021.
Ce déclin drastique est très probablement dû au cumul de plusieurs modifications qui ont touché l’écosystème forestier:
- des changements de pratiques sylvicoles,
- la répétition d’épisodes de sécheresse,
- les difficultés de cohabitation avec les sangliers qui visitent les mêmes ornières,
- ou encore l’arrivée du raton laveur, prédateur potentiel des amphibiens.
Vers une réhabilitation de l’habitat
Cet effondrement de population a conduit le CERFE à constituer, en 2020, un groupe de travail réunissant un grand nombre d’acteurs pour tenter de contrecarrer ce déclin. Les gestionnaires forestiers (ONF et privés), des scientifiques, la DREAL, l’OFB, des associations naturalistes, entre autres, ont donc été sollicités afin de rechercher conjointement des solutions et de mettre en œuvre des actions pour sauvegarder la précieuse population de la Croix-aux-Bois.
Les concertations avec les responsables et les agents de l’ONF ont permis de débuter un travail de conservation et de création de mares/ornières forestières dans l’objectif de restaurer des habitats favorables à l’espèce. Toutefois, ce travail nécessaire de réhabilitation de l’habitat ne sera peut-être pas suffisant pour que la population ait une chance de se redresser d’elle-même et de retrouver ses effectifs d’antan.
Aussi, un renforcement de population par translocation d’individus issus de populations voisines est donc envisagé. Cela nécessite toutefois des études préalables pour maximiser les chances de réussite d’une telle mesure de conservation.
Un programme de recherche est actuellement en cours de montage au CERFE pour acquérir les connaissances manquantes sur l’éco-éthologie de l’espèce en milieu forestier, et sélectionner les potentielles populations « donneuses ». Ce programme repose sur l’approche transdisciplinaire chère à la ZARG, c’est-à-dire la participation de tous les acteurs, à la fois dans l’acquisition et le partage des connaissances et dans la construction de solutions durables prenant en compte l’humain et l’environnement.
L’objectif final de tout ce travail est bien de parvenir à une cohabitation durable entre les activités humaines et un petit amphibien rare. L’espoir d’entendre à nouveau les doux chœurs du Sonneur dans les Ardennes n’est donc pas perdu …
Contact s
Maden Lebarh, Université de Champagne-Ardenne, CERFE
Rémi Helder, Université de Champagne-Ardenne, CERFE
Acronymes utilisés
1- CERFE : Centre de Recherche et de Formation en Éco-éthologie
2- ONF : Office National des Forêts
3- DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
4- OFB : Office Français de la Biodiversité
Crédits photos
Université de Champagne-Ardenne, CERFE / Légende: Sonneur à ventre jaune
