L’ensemble des Zones Ateliers (ZA) en France, en Europe et dans le monde, représente une diversité très importante d’écosystèmes et d’organisations sociales définies comme socio-écosystèmes.
Leur ambition est de coordonner l’expertise scientifique sur les thématiques en lien avec le changement climatique, la biodiversité, les sols, la pollution et l’utilisation non durable des ressources naturelles.
Les ZA se focalisent sur des territoires bien précis et sont organisées en réseaux qui s’emboîtent, telles des poupées russes, en niveaux géographiques de plus en plus larges:
Viennent se greffer trois réseaux complémentaires, à vocation plus spécifique, qui ont pris une importance corrélée aux transitions écologiques et énergétiques liées au changement climatique, à savoir:
Quelques éléments descriptifs de ces réseaux
Le Réseau des Zones ateliers (RZA, réseau français)
Le RZA est constitué des 14 Zones ateliers françaises, auxquels il faut ajouter le projet de ZARG. Celles-ci se focalisent sur des unités écosystémiques particulières:
* les numéros affectés à chaque ZA correspondent à ceux de la figure 1 (ci-dessous)
Il existe des thématiques scientifiques assez transversales, et partagées par plusieurs ZA, dont voici quelques exemples*:
De plus, la structuration en réseau (RZA) facilite l’émergence de projets inter-ZA d’envergure comme NEONET décrit plus amplement ci-après.
Le RZA permet également de traiter de préoccupations méthodologiques communes, notamment autour de la nécessaire « bancarisation » des données, c’est-à-dire l’obligation de rendre les données issues de la recherche les plus ouvertes possibles aux citoyens. Toutes les ZA partagent une telle ambition, de même que celle d’impliquer les acteurs de la société civile dans la démarche de recherche. Or la mise en œuvre d’actions de recherche participative nécessite de respecter certains principes, et exige généralement une implication forte des chercheurs (lire l'article "Zoom sur la démarche de recherche participative").
Le réseau européen des ZA = réseau eLTER
Le réseau eLTER regroupe l’ensemble des réseaux de zones ateliers au sein de 27 pays:
La mission du réseau eLTER est très semblable à celle du RZA puisqu’il en émane directement. Ainsi s’agit-il de coordonner l’expertise scientifique européenne concernant les impacts combinés du changement climatique, de la perte de biodiversité, de la dégradation des sols, de la pollution et de l’utilisation non durable des ressources naturelles (eLTER, 2022).
L’envergure du réseau eLTER a permis de faire émerger de grands projets de recherche européens, comme ECOPOTENTIAL, qui avait pour objectif d'accroître les connaissances sur les zones protégées reconnues au niveau international, afin d’en améliorer leur protection.
Le réseau mondial des ZA = réseau ILTER
Les réseaux membres de ILTER émanent pour la plupart des réseaux nationaux de scientifiques impliqués dans la recherche sur les écosystèmes et socio-systèmes au niveau des ZA locales, comme le RZA pour la France.
Actuellement, le réseau ILTER comprend 39 réseaux membres, qui exploitent ensemble plus de 600 sites.
Le réseau ILTER a organisé deux Colloques internationaux concernant la science ouverte afin de discuter de la stratégie pour la collecte, le stockage et le traitement des données produites par les chercheurs.
Le réseau OZCAR (Observatoires de la Zone Critique)
Il s’agit d’un réseau de sites scientifiques instrumentés pour analyser la Zone Critique, et qui se répartissent selon 6 types:
En France métropolitaine, la majorité des 45 sites concernent des bassins versants (14), les autres se répartissent entre cryosphère essentiellement alpine (10/11), karst (9), aquifères (5), tourbières (4) et surfaces continentales (2).
A l’étranger, la très grande majorité des sites concernent des bassins versants:
…..auxquels se rajoutent deux sites consacrés à la cryosphère en Antarctique.
Le réseau ICOS
ICOS Europe est une Infrastructure de Recherche dédiée à la mesure précise, sur le long terme, des flux de gaz à effet de serre dans le cadre du changement climatique. L’objectif est de déterminer les flux de carbone entre les différents réservoirs : écosystèmes, atmosphère et océans.
Le réseau ICOS est constitué de plus de 140 stations de mesure situées dans 14 pays de la zone Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, République tchèque, Suède et Suisse).
Le réseau ICOS France est composé de 23 stations, dont:
Tout comme OZCAR, le réseau ICOS couvre une variété importante:
Il existe une composante océan d’ICOS Europe, constituée de plate-formes instrumentées associées à des stations fixes, ou alors à des navires marchands, de recherche ou des ferrys se déplaçant régulièrement dans différentes régions clés de l’océan.
Le réseau OHM
Les OHM (Observatoires Hommes Milieux) sont dédiés à l’étude d’écosystèmes très artificialisés et anthropisés (pour lesquels l’intervention de l’homme est très forte). De tels milieux sont généralement affectés par des modifications brutales (crises socio-écosystémiques) qui interviennent dans le cadre du Changement Global (écologique, économique, social), ou en sont les conséquences. Il peut s’agir, par exemple, de bassins miniers ou de milieux proches d’une centrale nucléaire. Dans de tels écosystèmes, l’homme interagit directement avec la Géosphère et la Biosphère avec lesquelles il constitue des écosystèmes vraiment uniques en leur genre (source: https://www.inee.cnrs.fr/fr/ohm).
Il y a aujourd’hui 13 OHM, développés aux niveaux : national métropolitain (6), ultramarin (2) et à l’international (5):
Un exemple de programmes inter-Zones Ateliers en France et en Europe
Programme NEONET dans le cadre du réseau RZA
NEONET est un programme de recherche dans le domaine de l’agronomie qui rassemble 11 partenaires scientifique et techniques, dont 8 Zones ateliers ainsi qu’un projet de ZA:
*RECOTOX correspond à un réseau de sites de recherche français et tunisiens déjà instrumentés, qui vise à comprendre, anticiper et limiter les impacts éco-toxicologiques des polluants sur les socio agro-systèmes.
NEONET a pour objectif d’analyser le risque de maintien dans l’environnement (dit rémanence) de pesticides de la famille chimique des néonicotinoïdes. Ces derniers sont généralement intégrés dans l’enrobage de semences, et appliqués par les agriculteurs pour lutter contre certains bioagresseurs des cultures (pucerons, taupins, maladies fongiques). La majorité de ces produits ont été retirés de la vente depuis 2018 en Europe, eu égard à leur impact négatif observé sur la microfaune, et plus particulièrement les pollinisateurs. Toutefois, certaines dérogations d’usage ont été accordées en France, au cas par cas, notamment sur betterave jusqu’en 2023.
L’objectif de NEONET est d’analyser et de quantifier le risque lié à la rémanence des néonicotinoïdes dans le pollen de maïs, ainsi que dans le nectar de colza et de tournesol. Ces cultures sont très utilisées par les abeilles (domestiques notamment), mais ne sont pas forcément présentes simultanément. Les analyses chimiques sur les échantillons prélevés ont pour objectif de quantifier le niveau d’exposition réel des abeilles aux cinq principaux néonicotinoïdes (http://www.za-inee.org/fr/neonet).
NEONET est innovant de par sa couverture pédo-climatique et géographique couvrant les principales régions agricoles de France (entre 20 et 30 sites d’observations), la gamme de systèmes de culture et situations de production, ainsi que la diversité des paysages agricoles prise en compte (http://www.za-inee.org/fr/neonet ).
Conclusion : Réflexion sur l’intérêt de ces réseaux pour le projet de ZARG
«En Europe, l'organisation hétérogène d'un grand nombre de sites de recherche et d'équipes d'experts locaux entrave le progrès - par exemple par des recherches exclusivement disciplinaires ou des différences dans la collecte, la qualité et l'archivage des données. Si nous voulons trouver des moyens de protéger et de conserver les écosystèmes dont dépend notre existence, nous devons changer cela de toute urgence», a déclaré Dr. Michael Mirtl, un écologue qui coordonne un projet eLTER (site web eLTER , 2022).
Un effet synergique des réseaux d’observations
Participer à l’activité de ces réseaux constitue un enjeu important de pertinence des résultats scientifiques obtenus. En effet, pouvoir élargir le panel des observations standardisées peut s’avérer indispensable sur nombre de thématiques. A cet égard, le cas particulier des ZA (et/ou sites eLTER) qui sont associées à des sites du réseau ICOS est intéressant à prendre en compte (cas du site d’Auradé, relevant à la fois de l'Observatoire spatial régional du Sud-Ouest ICOS et du site « Vallées et Coteaux de Gascogne » de la ZA PYGAR).
En effet, pouvoir combiner des mesures de flux de carbone à des observations de processus biogéochimiques et/ou d’effets liés aux actions de gestion des terres permet de comprendre non seulement certains phénomènes liés au cycle du carbone, mais également d’identifier leurs causes multiples.
Ainsi devient-il crucial de pouvoir cadrer des observations communes sur un même site, et de multiplier cette démarche en différents points, on obtient alors un effet synergique indéniable en termes d’efficience du temps passé aux observations. Dit autrement, « le tout devient supérieur à la somme des parties » (site web eLTER, 2022).
Une réflexion collective plus avancée sur la gestion des données
Par ailleurs, dans un contexte d’augmentation fulgurante du stock d’informations à traiter («Big Data»), la traçabilité des données et leur accessibilité sont devenus des enjeux majeurs de « la science ouverte ».
Les réseaux RZA, eLTER et ILTER s’en sont emparés, avec l’objectif de sensibiliser les chercheurs aux objectifs d’accessibilité à tous des données scientifiques.
Pour cela, il s’agit de proposer une démarche commune aux ZA de « bancarisation des données » qui consiste à améliorer:
A l’échelle du RZA, des actions concrètes ont déjà été engagées telles que la mise en œuvre d’une démarche de traçabilité des échantillons grâce à des QR codes, ainsi que le déploiement d’antennes RTK low cost afin de diffuser un signal de correction centimétrique pour les utilisateurs de GPS (http://www.za-inee.org ).
Une efficience accrue des moyens financiers alloués aux recherches
En 2022, l’Union Européenne a accordé son appui financier à deux projets scientifiques d’envergure portés par le réseau eLTER, et ce, pour un montant total de 14 millions d’euros. Au total, 34 partenaires de 24 pays sont impliqués dans ces projets.
Au vu de la complexité des enjeux environnementaux qui se posent à nous aujourd’hui, construire des solutions adaptées aux changements annoncés (climat, biodiversité,..) nécessite la synthèse de connaissances provenant de multiples sources, une seule infrastructure de recherche ne pouvant plus les fournir à elle seule. En effet, pour relever de tels défis, une approche systémique holistique, c’est-à-dire prenant en compte toutes les facettes du problème, s’avère indispensable.
Seuls des réseaux scientifiques d’envergure peuvent porter de telles ambitions.
Contacts
Françoise Lasserre-Joulin, Université de Lorraine, Laboratoire LAE
Emmanuel Guillon, Université de Reims Champagne-Ardenne, Laboratoire ICMR UMR CNRS-URCA 7312
Pour aller plus loin
Si vous voulez en savoir plus sur les activités des autres ZA (et projet de ZA) en France :
1. ZA Alpes
3. ZA Armorique
6. ZA Environnementale urbaine Strasbourg
7. ZA Hwange
8. ZA Loire
9. ZA Moselle
12. ZA Seine
13. ZA Antarctique
14. ZA Territoires uranifères dans l’Arc Hercynien
15. En projet : ZA Environnementale rurale Argonne
Et sur les autres réseaux:
Et sur le projet de recherche cité: NEONET
Légende
Réseau des ZA aux niveaux français (RZA), européen (eLTER) et international (ILTER)
Figure 1: Territoires des zones ateliers – les zones plus foncées correspondent aux zones plus spécifiquement étudiées au sein de zones plus étendues. Les points correspondent à des sites ateliers au sein de chaque ZA. Source : http://www.za-inee.org