Maintenir, attirer, valoriser : les priorités de l'Argonne Ardennaise
Interview de M. Benoît Singlit, président de la Communauté de communes de l'Argonnaise, et maire de la commune de Bairon-et-ses-Environs
Vous êtes président de la communauté de communes Argonne ardennaise, pouvez-vous nous la présenter ?
La communauté de communes de l’Argonne argonnaise (2C2A) regroupe 95 communes, avec une grande surface (un quart du département des Ardennes) mais un niveau de population faible.
Notre territoire est très rural et perd de la population depuis près d’un siècle. Aujourd'hui, le seuil de désertification est déjà atteint dans certaines zones, avec des difficultés pour maintenir des services de proximité (commerces, services aux personnes, petite enfance).
Notre ambition est de préserver cette population. Notre projet de territoire repose sur 3 axes majeurs:
- Maintenir la population déjà installée;
- Attirer des nouveaux habitants en suscitant l’envie de s’installer sur le territoire; souvent les gens viennent y travailler mais habitent ailleurs;
- Donner au territoire une identité dont les habitants soient fiers, leur faire prendre conscience de la chance que nous avons de vivre ici.
Notre objectif est de faire en sorte que tout un écosystème se mette en place car tout doit avancer en même temps : l’emploi, les services, les logements, les infrastructures, la préservation de notre environnement et le cadre de vie.
Je dis souvent qu’il faut une bonne raison pour habiter ici ! Nous sommes trop loin des grandes villes : faire deux heures de voiture sur des petites routes tous les jours pour aller travailler, ce n’est pas possible. Il est légitime que les gens aillent s’implanter plus proches de leur lieu de travail. Il faut donc de l’activité plus proche, mais pas seulement !
Nous menons de très nombreuses actions, dans tous les domaines comme le tourisme, l’artisanat, les commerces, les services à la population (santé, écoles, accompagnement social, mobilité inversée…). Et bien sûr, des actions culturelles : il s’agit d’un levier intéressant pour l’attachement au territoire. C’est une excellente façon de créer du lien. Car dans les villages le lien social n’est plus naturel, comme il y a 50 ans, quand on se retrouvait au bistrot, à la messe, au travail dans les exploitations agricoles... Aujourd’hui il faut trouver des prétextes, des lieux pour faire en sorte que les personnes se rencontrent.
Par ailleurs, nous sommes conscients que la qualité de notre environnement constitue une chance pour ce territoire et ses habitants. C’est important aussi de travailler sur tout ce qui est éducation à l'environnement, d’autant que nous avons un pôle d’excellence environnemental avec le Parc Argonne découverte, le CERFE, la Hulotte, le Domaine de Belval et la Maison de la Nature.
Nous avons pour vocation de le faire connaître à l’extérieur : il y a une carte à jouer dans ce domaine. Nous avons tout intérêt à préserver notre environnement. Par exemple, le développement touristique doit passer par la reconquête du bâti existant plutôt que de reconstruire des logements en périphérie des villages. Nous avons la volonté de ne pas aller vers de l’extension de zones urbaines mais bien de réhabiliter les habitations existantes.
Pouvez-vous nous donner un exemple parmi les enjeux et défis relevés par les élus argonnais ?
L’accès aux soins fait partie des enjeux prioritaires. On y travaille via de nombreuses actions comme :
- La mise en place des maisons de santé;
- La création d’une Communauté Professionnelle Santé Territoriale (CPTS). Cette dernière est très structurée et nous a permis, par exemple, de centraliser de façon très efficace les services pour répondre au besoin de vaccination au moment du Covid;
- Des aides à l’installation pour tous les professionnels de santé;
- La mise en place de la télé-médecine;
- La mobilité avec le centre social qui peut assurer des transports à la demande quand il y a un besoin de déplacement; un travail mené avec les associations pour permettre le maintien à domicile;
- Nous mobiliser pour faire en sorte que l'hôpital de Vouziers soit maintenu avec le service des urgences.
Toutes ces actions sont menées avec l’ensemble des acteurs pour apporter la réponse la plus adaptée possible.
Pourquoi soutenez-vous les projets de la ZARG ?
Pour nous, la ZARG représente une reconnaissance de la qualité environnementale de notre territoire. L'arrivée d'experts extérieurs, apportant leur expérience diversifiée, nous permet de voir notre environnement sous un nouvel angle et d'améliorer notre perception de celui-ci.
Prenons par exemple le marais de Germont : lorsqu'on nous explique les cycles naturels et les avantages du site, on réalise à quel point il est remarquable, alors que cela nous échappe souvent au quotidien.
C'est également une excellente manière d'enrichir nos connaissances : additionner du savoir à un territoire ne peut qu'être bénéfique. La rigueur scientifique est un atout précieux pour nous, et nous pouvons la valoriser dans d'autres domaines.
Parfois, nous sommes tentés de prendre des raccourcis, mais les scientifiques nous encouragent à rester rationnels et factuels. Je suis convaincu que cela peut nous aider à résoudre certains problèmes, comme celui des cyanobactéries dans le lac de Bairon.
Enfin grâce à la structuration en Zone atelier, l'approche est très transversale au niveau des chercheurs : tous les aspects sont pris en compte, humains, environnementaux, économiques… car tout ça est lié. Ce n’est pas un seul spécialiste qui peut amener une réponse globale.
Comment parvenez-vous à créer une dynamique d’échanges entre élus et chercheurs ?
Une telle dynamique d’échanges est importante car ce n’est pas forcément naturel. Il faut être vigilant dès le départ pour établir un dialogue et que chacun comprenne les attentes et les contraintes des autres.
Il ne s'agit pas simplement d'experts extérieurs dictant des solutions, mais d'une collaboration basée sur les besoins du territoire. L'adhésion locale est essentielle pour éviter que les initiatives environnementales ne soient perçues comme punitives. Il faut beaucoup de dialogue pour une compréhension mutuelle des phénomènes et des actions à entreprendre. L'approche transversale, en intégrant tous les domaines concernés comme l'agriculture, l'assainissement, l'économie et le tourisme, permet d'identifier les leviers d'action sans stigmatiser certains métiers, comme dans le cas de la gestion des cyanobactéries [sur le lac de Bairon, ndlr]. Il est important de prendre le temps d'étudier les choses en profondeur.
Pour que la dynamique élus-chercheurs fonctionne bien, il faut bien se mettre d’accord sur la temporalité : en fonction des saisons, des années, les choses évoluent. Il faut au moins 3 ans pour étudier. Le problème ne peut pas être réglé en 6 mois ou pour la saison estivale prochaine. Il faut bien expliquer aux élus le calendrier de travail des chercheurs pour ne pas créer des incompréhensions ou des frustrations.
Comment est organisée la 2C2A pour suivre les projets menés avec la ZARG ?
Au niveau de la com de com, chaque vice-président est chargé de suivre un ou plusieurs thèmes. Par exemple, la personne chargée de l’environnement est aussi chargée du tourisme. Nous avons des élus communautaires mais aussi des conseillers municipaux dans nos commissions. La commission environnement représente 15 personnes. La vice-présidente siège aux réunions de la ZARG pour représenter la com de com et faire le relai auprès de la commission.
Dans les services, nous avons un chargé de mission qui est aussi Natura 2000 et suit la ZARG. Sur l’ensemble de l’environnement, nous avons 4 chargés de mission impliqués sur les sujets Biodiversité, Eau, Implantation de haies, Préservation des abeilles, Lutte contre le frelons asiatiques…
En savoir plus sur la 2C2A
En savoir plus sur les études menées par la ZARG au lac de Bairon
Contacts
Propos recueillis par Corinne Lescaudron-Wartelle, Agence Coeur de cible
Pour contacter Benoît Singlit, président de la Communauté de communes de l'Argonne ardennaise et maire de Bairon-et-ses-Environs, merci de vous adresser à Thomas Quintaine, chargé de projets ZARG, URCA