Que signifie le terme «recherche participative»? Comment peut-on inclure des citoyens non experts à des protocoles d’observation naturaliste parfois complexes? Il peut s’agir d’identification et de comptages d’animaux, d’observations de plantes au cours des saisons voire, dans le domaine de l’astronomie, de mesures de trajectoire d’exoplanètes par rapport à leur étoile.
Quelles sont les clés de la recherche participative?
Il est intéressant de faire un point sur une question d’enjeu citoyen majeur dans une société en proie aux “infox” de toutes natures!
De nombreuses initiatives qualifiées aujourd’hui de «recherche participative» existent à travers les âges et le monde mais sans définition normée de ce terme. Il peut traduire des réalités très différentes d’une action à l’autre. On considérera ici qu’il s’agit de contributions de citoyens « ordinaires » à la définition de problématiques et/ou à l’élaboration de protocoles de recherche, ainsi qu’à la collecte, l’interprétation et/ou la valorisation de données scientifiques.
Les sciences en lien avec la nature ont constitué l’un des premiers domaines explorés en la matière. On peut citer notamment les suivis ornithologiques par des aristocrates dans l’Angleterre du XIXème. En Europe, le suivi des oiseaux migrateurs du paléarctique occidental (c’est-à-dire l’avifaune qui emprunte des voies migratoires entre l’Europe du Nord et l’Afrique) repose sur le comptage Wetlands qui s’appuie sur un réseau associatif de correspondants amateurs. Ce comptage est l’un des plus anciens exemples de science participative au monde (Salles et al., 2014) et constitue la plus ancienne base de données sur la biodiversité (Chansigaud, 2007).
Les sciences sociales figurent également parmi les démarches pionnières, avec l’émergence de tout un mouvement de science participative en anthropologie et sociologie dans l’Amérique latine des années 1970. Il s’agissait alors d’œuvrer pour la prise en compte des savoirs des populations autochtones afin que celles-ci organisent leur propre émancipation sociale, politique et économique.
La recherche participative répond ainsi à un besoin scientifique et sociétal de connaissances et de données de terrain, avec l’aide d’un ensemble d’acteurs au service d’une cause publique ou associative (Charvolin, 2013).
L’intégration de citoyens dans une démarche de recherche scientifique s’applique désormais à des domaines de plus en plus nombreux et diversifiés. En voici quelques exemples parmi les plus de 4670 études publiées entre 1970 et 2016 à travers le monde:
La recherche participative s’applique ainsi à l’acquisition de nouvelles connaissances pour la science, au développement de capacités collectives de certains publics, ou encore à la résolution de problèmes de société jusqu’à l’éclairage de décisions publiques à des niveaux d’échelle géographique très contrastés.
Par ailleurs, même si la recherche participative est bien antérieure à l’avènement de l’internet, il est établi que celle-ci a profité pleinement de la croissance fulgurante des moyens numériques sur ces vingt dernières années (plateformes de dépôts de documents, téléphones équipés d’appareils photos et d’applications simplifiées, moyens de traitement de gros jeux de données, etc.).
Si le rôle des citoyens est souvent limité à l’observation et au recueil des données acquises (aussi appelé « crowdsourcing »), il peut parfois s’étendre de la proposition du protocole jusqu’à l’interprétation des données. A ce propos, l’INRAE* s’est inspiré de la classification de Muki Haklay pour établir, en 2016, une Charte de graduation de la démarche proposée aux citoyens:
Il apparaît clairement que contribuer à un protocole de recherche participative, quel que soit le niveau d’implication, permet de rapprocher les citoyens de la démarche scientifique. Cela leur permet de s’imprégner du processus de questionnement, de développer leur esprit critique et facilite la prise de recul.
Les participants peuvent ensuite appliquer la méthodologie apprise à leur question d’origine. Remettre la rigueur scientifique et le questionnement critique au cœur de la vie citoyenne constitue en effet l’une des nombreuses attentes de la démarche de recherche participative.
La réussite de la démarche de recherche participative est largement tributaire de l’esprit et la manière par lesquels les citoyens sont sollicités et invités à s’impliquer. En effet, pour les contributeurs, le degré d’appropriation et l’envie de poursuivre la démarche reposent essentiellement sur:
Il est également important pour les chercheurs de clarifier et partager le processus de valorisation des données avec les citoyens. Plus ce dernier pourra être personnalisé (même collectivement), plus il s’avérera motivant et meilleure sera la qualité des résultats.
On l’aura compris, l’une des clés de réussite de la recherche participative repose sur la qualité de la relation humaine entre chercheurs et citoyens. Elle constitue le moteur de l’engagement au long cours des uns et des autres. … Et chacun sait ô combien enthousiasme et curiosité figurent parmi les meilleures sources d’énergie renouvelables… !
Contacts
Françoise Lasserre-Joulin , Université de Lorraine, Laboratoire LAE
Philippe Hamman , Université de Strasbourg, Laboratoire SAGE
Guillaume Christen , Université de Strasbourg, Laboratoire SAGE
Acronymes utilisés
MNHN : Muséum National d’Histoire Naturelle
CREA : Centre de Recherche sur les Ecosystèmes Alpins
CERFE : CEntre de Recherche et de Formation en Eco-éthologie
INRAE : l’INRAE (Institut de Recherche pour l’Agriculture, l’alimentation et l’Environnement) a remplacé l’INRA (Institut de la Recherche Agronomique) au 1/01/2021.
Pour aller plus loin
Voir également le site participatif Oscahr de l'Université de Strasbourg
Si vous souhaitez participer aux programmes de science participative cités dans cet article
Voir aussi !'article « Comment participer à l’identification des mammifères qui franchissent l’A34? »
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